Ma boutique préférée : les magasins de tissu ! Je m’y rends avec délectation, j’y reste des heures… Les couleurs, les motifs, les textures, les odeurs… tout m’enchante ! J’achète avec parcimonie, me semble-t-il, et pourtant la note est toujours élevée ! Je remplis mes armoires de coupons plus jolis les uns que les autres, et souvent je n’en fais rien… Une sorte de douce folie qui m’a prise dès ma jeunesse et ne me quitte pas.
Quand je laisse dans ma voiture le sac contenant mes coupons fraîchement acquis pour aller faire d’autres courses, j’ai toujours une appréhension : j’ai peur, aussi absurde que cela paraisse même à mes propres yeux, qu’on me vole mes tissus ! Il me semble que j’abandonne imprudemment un trésor inestimable, et que chaque personne l’apercevant pourrait l’envier au point de me le dérober.
Quand j’arrive enfin chez moi, j’étale mes étoffes sur le divan pour pouvoir les admirer tranquillement, et souvent je les laisse ainsi plusieurs jours, pour le plaisir…
Hier, justement, je me livrais à mes achats préférés, lorsque je remarque une dame, d’un certain âge (comme moi, en fait !), arrêtée devant le rayon des tissus de patchwork, comme devant un étalage de pâtisseries… Une jeune vendeuse très cordiale coupait un mètre ici ou là à sa demande, la conseillait, n’hésitant pas à dérouler, à déplacer les rouleaux, à comparer les teintes et les textures pour mieux satisfaire sa cliente. Une telle harmonie entre le goût de cette dame pour les tissus et l’énergie de cette vendeuse pour la satisfaire faisait plaisir à voir !
Je ne reconnaissais que trop bien chez la cliente les symptômes qui ne trompent pas : les yeux brillants, les mains caressant l’étoffe, une petite moue gourmande au niveau de la bouche… A un moment, alors que plusieurs coupons s’entassent devant elle, je remarque qu’elle sort une calculatrice, et se met à tapoter en demandant un récapitulatif des prix à la vendeuse : je suis un peu surprise, car pour ma part je me contente d’un vague calcul mental pour savoir à quel niveau de dépense je me trouve.
-C’est que, explique la dame d’un air un peu gêné, je n’emporte que de l’argent liquide quand j’achète du tissu. Si je viens avec ma carte de crédit, je fais des folies et je m’endette. Je n’ai trouvé que ce moyen pour rester raisonnable…
Elle aurait pu ajouter à mon endroit : « Que celui qui n’a jamais fauté me jette la première pierre ! »
Je suis repartie joyeusement au milieu des rayons m’emplir des parfums des tissus et réaliser ma moisson de beautés que j’imagine déjà transformées en merveilleuses petites barboteuses pour mes poupées ; j’avais eu la chance de rencontrer une consœur atteinte du même mal : je me sentais moins seule, et moins coupable…
Mais... peut-être d'autres "addicts" sont-ils devant leur ordinateur en train de me lire... Allez, pas de honte, faites-vous connaître !